Bouffons sont connus pour être habiles moqueurs, et l’on rit d’eux aussi bien qu’ils se rient de nous. Celui-ci se rit beaucoup de nous.
Ce fol parade souvent ainsi, robe bleue levée jusqu’à l’abdomen, pour mieux exposer ses parties intimes. Son chapeau pointu orné de clochettes annonce son arrivée à quelque menue distance, bon à savoir si vous avez l’oreille fine et désirez l’éviter. Quant à son long bâton noueux, il s’en sert pour attirer l’attention des indifférents, et pour se défendre contre les brutes qui ne goûtent pas son humour et cherchent à l’étendre pour de bon.
Fils de tisserand, il développa très tôt un goût sûr en matières d’étoffe et de teinture. Il apprit à confectionner des vêtements de belle facture, mais la famille fut déshonorée lorsqu’il fut révélé que les parents entretenaient une réseau criminel local. Tous les adultes de la maisonnée finirent en geôle, et notre futur fol erra dans les rues, mendiant parmi les mendiants, jongleur et équilibriste parmi les gueux et presque gueux.
Lorsqu’un jour un nobliau fat et bon public se trouva fort amusé par quelque pitrerie de notre orphelin, il céda à un caprice et embaucha l’artiste comme bouffon personnel. Et voilà notre fol enfin fol pour vrai, payé pour ses astuces et ses moqueries.
Pour un temps il s’amusa ainsi, à critiquer les ennemis de son maître, et parfois son maître lui-même. Jusqu’au jour où une boutade de trop le fit décoller à grand coup de pied de l’hostel du fat.
Le voici qui parcourut alors la région, obtenant piécette de-ci de-là à amuser la galerie. Telle vie n’est pas riche, loin de là, mais son talent était tel qu’il parvenait toujours à quérir de quoi manger, dormir, et parfois de quoi rapiécer ses frasques.
Au jour d’hui, le voici attendu dans maints village qui le connoit et espère le revoir au moins une fois l’an afin d’égayer plus les fêtes de village. Lui ne s’en plaint point, et s’amuse de trouver réputation le précédant icy et là. Il se promène volontiers là où on l’attends et là où on ne l’attends pas, réjouissant ses admirateurs, et fessant ses détracteurs, parfois l’inverse.
L’une de ses facéties préférées est de proposer une énigme aux fâcheux. Et gare à celui ou celle qui ne soit point respondre, car alors s’abat le bâton noueux sur les genoux ou le séant des fautifs.
L’une de ses devinettes préférées est celle-ci :
Qu’est ce qui s’allonge et rétrécit en même temps ?
Si vous ne répondez point qu’il s’agit de la Vie, qui grandit tout en même temps qu’elle voit son restant diminuer, gare à vos joues postérieures !
Un personnage qu’il ne seroit point désagréable de voir s’espater pour de bon d’un soufflet bien donné.